Ce deuxième article poursuit la réflexion sur les enjeux de l’arrivée massive du numérique dans la formation et dans l’éducation qui a divisé la communauté éducative en deux pôles avec deux discours opposés: d’un côté les « pro-numérique » qui trouvent que le numérique constitue une solution pour donner un nouvel élan à l’instruction et à la formation et résoudre ainsi des problèmes aussi bien matériels que pédagogiques et, de l’autre, les « anti-numérique »pour qui le numérique comporte plus d’inconvénients que d’avantages.
Dans l’article précédent nous avons présenté et analysé les trois questions suivantes :
- «La nature même du numérique favoriserait l’apprentissage »
- « Le numérique favoriserait l’apprentissage de manière autonome »
- « Le numérique rendrait l’apprentissage plus motivant »
Dans cet article nous allons nous interroger sur la notion de compétences transversales et sur la notion de substituabilité entre disponibilité des informations et apprentissages.
La quatrième question qui divise les « pour » et les « contre » suggère que les jeux vidéo et la programmation permettent de développer des compétences transversales
La programmation développe des compétences spécifiques certes appréciables pour résoudre des problèmes informatiques mais les modes de raisonnement ainsi mobilisés ne n’ont pas d’effet mesurables sur les compétences en matière de raisonnement ou en « résolution de problèmes dans d’autres domaines. En d’autres termes, les compétences spécifiques ne sont pas transférées en compétences plus générales. » [1]
L’acquisition d’une aptitude à gérer de manière verticale un problème ne permet pas mécaniquement de transférer cette aptitude à un autre domaine.
Pour ce qui est des jeux vidéo le constat est le même : en apprenant à jouer à un jeu spécifique on acquiert des connaissances et des compétences spécifiques qui ne seront pas nécessairement, sauf exception, transférées dans un autre domaine. Cependant, un jeu vidéo peut contribuer à l’apprentissage d’un contenu à condition que ce contenu ne soit pas livré de manière décousue mais construit dans le cadre d’un scénario pédagogique. Or, cette construction d’un scénario pédagogique est une opération complexe qui nécessite un travail en amont réalisé par des enseignants ou des formateurs qui mettent en lien des informations et organisent les étapes de compréhension, d’interrogation et de prise de distance critique.
La cinquième question repose sur l’idée que les savoirs étant disponibles en ligne, il n’est plus besoin de les enseigner et de les apprendre
Les savoirs sont effectivement désormais disponibles et accessibles en ligne. Une masse considérable d’informations est ainsi accessible de manière facile, rapide et généralement gratuite (même si cela se discute). Dès lors enseigner les savoirs et passer du temps à les mémoriser deviendraient des activités inutiles et dépassées. Or, si l’apprenant, quel que soit son âge, est laissé libre d’aller chercher les savoirs, il aura tendance à n’aller chercher que ce qui l’intéresse. Ceci remettrait en cause la notion de programme, comme celle de socle minimal de connaissance et laisserait de côté des pans entiers du savoir.
De plus la capacité à identifier les informations pertinentes, de les comprendre et de rester critique à leur égard est en soi une compétence qui nécessite un apprentissage et se construit dans le cadre d’un programme avec et par le truchement d’un enseignant ou d’un formateur.
« Croire qu’il suffirait d’« apprendre à apprendre » pour être capable ensuite d’apprendre rapidement dans n’importe quel domaine est par conséquent une illusion. »
[2]
Nous verrons dans le prochain article qui sera le dernier que les apprenants d’hier et d’aujourd’hui ont besoin du « media » humain ou plus exactement du médiateur humain pour apprendre.
[1]Cf : Cécile Gorré https://www.skolo.org/2020/08/03/le-numerique-va-t-il-revolutionner-leducation/
[2]Cf : Cécile Gorré https://www.skolo.org/2020/08/03/le-numerique-va-t-il-revolutionner-leducation/
