Partie 3 : Numérique et formation : les « pour » et les « contre »

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Ce troisième article poursuit la réflexion sur les enjeux de l’arrivée massive du numérique dans la formation et dans l’éducation qui a divisé la communauté éducative en deux pôles avec deux discours opposés: d’un côté les « pro-numérique » qui trouvent que le numérique constitue une solution pour donner un nouvel élan à l’instruction et àla formation et résoudre ainsi des problèmesaussi bien matériels que pédagogiques et, de l’autre, les « anti-numérique »pour qui le numérique comporte plus d’inconvénients que d’avantages.

Dans les deux articles précédents nous avons présenté et analysé les cinq questions suivantes :

  1. «La nature même du numériquefavoriserait l’apprentissage »
  2. « Le numérique favoriserait l’apprentissage de manière autonome »
  3. « Le numérique rendrait l’apprentissage plus motivant »
  4. « Les jeux vidéo et la programmation permettent de développer des compétences transversales »
  5. « Les savoirs étant disponibles en ligne, il n’est plus besoin de les enseigner et de les apprendre »

 

Dans cet article nous allons nous interroger sur l’idée que les apprenants d’aujourd’hui seraient différentes de ceux d’hier et que le numérique va faire baisser le coût de l’éducation.

La sixième question suggère que les apprenants d’aujourd’hui seraient fondamentalement différents de ceux d’hier

Les jeunes d’aujourd’hui auraient besoin d’une nouvelle forme d’éducation « car ils apprendraient autrement, auraient de nouveaux besoins, seraient avides de nouvelles technologies et auraient une maitrise intuitive de celles-ci. » [1] Or, aucune de ces affirmations n’est démontrée. D’abord les jeunes ne forment pas un groupe socialement uniforme et homogène dans son rapport aunumérique et aux usages qu’il peut en faire.  Les seuls usages du numérique communs à quasiment tous les jeunes concernent les loisirs et les échanges sociaux. Pour les autres usages les jeunes utilisent le numérique de différentes manières. L’usage du numérique pour apprendre de manière autonome suppose l’inscription du jeune dans un parcours et un projet éducatif qui lui permet d’atteindre un objectif professionnel. En ce sens un support « classique » (le livre par exemple) et un support numérique se complète. Il s’avère donc que les jeunes générations ont « surtout besoin de formations aux compétences nécessaires pour maîtriser les technologies numériques. » [2]

Enfin, la dernière question consiste à dire que le numérique permet de faire baisser les coûts de l’éducation

En dématérialisant l’apprentissage, le numérique permettrait de diffuser des contenus avec un coût de plus en plus faible à mesure que le nombre d’usagers augmente. Ce raisonnement bute contre quatre réalités au moins :

  • La production de connaissances et la conception des supports numérisés adéquats demande un investissement temps important
  • Les infrastructures nécessaires pour acheminer les contenus et les équipements ont également un coût
  • Le coût environnemental et social de cette technologie est également présent à toutes les étapes : extraction de minéraux rares, conditions de travail des salariés des mines, consommation d’énergie à l’usage, pollution et recyclage des déchets et matériels en fin de vie…
  • Le coût en termes de santé par l’exposition massive aux écrans: troubles du sommeil, difficultés attentionnelles, problèmes oculaires, douleurs musculo-squelettiques, addiction,etc est également important.

En conclusion, il semble bien que le numérique ne va pas révolutionner les apprentissages et qu’en matière d’apprentissage ce n’estpas levecteur utilisé mais la méthode pédagogique qui fait la différence.Le numérique en tant qu’outil ou support pédagogiquen’est donc ni meilleur ni pire qu’un autre outil ou un autre support.

Cependant, introduiredu numérique dans l’éducation et dans la formation constitue une opportunité pour développer l’interactivité et pour gagner du temps en termes de recherche et de collecte de données.  Former les élèves et tous les apprenants aux différents usages du numérique permet également de leur faciliterl’exercice de leur citoyenneté et de ne pas être l’otage de « l’économie de l’attention » [3] développée par les grandes plateformes.

Ce questionnement en 7 points des liens entre numérique et apprentissage permet d’affirmer que le numérique en tant que média peut être utilisé de manière efficace par les enseignants et les formateurs mais qu’il ne saurait dispenser les apprenants de l’effort d’apprendre ni se substituer aux enseignants et aux formateurs. Croire que les machines, même enrichies par l’IA, peuvent remplacer les humains est une illusion ou un mythe qui ne repose sur aucune base scientifique.

[1] Cécile Gorréhttps://www.skolo.org/2020/08/03/le-numerique-va-t-il-revolutionner-leducation/

[2]idem

[3]Cf : Bruno Patino : « La civilisation du poisson rouge. Petit traité sur le marché de l’attention. » Ed. Grasset

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